Erik s'était levé à 18h. D'habitude il se levait beaucoup plus tôt, mais il avait dû récupérer d'une prise intensive de pilules NoNight... Malgré l'angoisse qui lui avait tordu le ventre lorsqu'il avait aperçut les chiffres sur son réveil, il avait bien l'intention de remettre ça encore trois ou quatre jours. Il avait donc quitté son appartement quartier Lunards pour se diriger vers l'Hypermarché.
Le chétif jeune homme errait de rayons en rayons saisissant çà et là des articles pour les reposer peu après. Le regard vide et triste, il traversa le bâtiment jusqu'à se retrouver devant le rayon des pilules NN. Ses doigts maigres effleurèrent un premier paquet de cinq pilules avant de se détourner et de saisir d'un paquet de deux. Soyons raisonnable . Il se dirigea vers les caisses, tel un fantôme. Seuls ses yeux d'un noir abyssal le distinguaient des autres personnes qui patientaient devant lui. Ses doigts trituraient les pilules, pendant qu'une sourde culpabilité grondait en lui. Il tenta de chasser ces pensées malvenues avant de se résigner et de les ignorer tant bien que mal. Lorsque ce fut son tour il adressa un pâle sourire à la jeune femme qui passa son paquet et lui annonça le prix. Ses épaules s'affaissèrent. Si peu de pilules pour un prix presqu'exorbitant. Mais il tira de sa poche un portefeuille bien maigre d'où il sortit un billet qu'il tendit à la jeune femme. Celle-ci lui rendit la monnaie et il partit, les pilules bien au chaud dans sa poche de jean.

Erik arriva quelques temps plus tard dans la rue des réjouissances. Il était repassé dans son appartement pour prendre une douche et sa première pilule. Son teint toujours aussi blafard semblait briller sous la lumière artificielle qui maintenait les rues vivantes. Il errait sans but, un sourire las aux lèvres. Il s'arrêta devant un bar, tergiversa quelques secondes avant de s'y engouffrer. L'ambiance était à la fête, les gens parlaient et riaient très fort. La tête bourdonnante, Erik s'installa un peu à l'écart et commanda un whisky-coca. Pour bien débuter, pensa-t-il avec ironie. Ses longs doigts s'enroulèrent autour du verre frais et un petit soupir lui échappa alors qu'il portait la boisson à ses lèvres et avalait la première gorgée de sa soirée solitaire...
Mais pourquoi éprouvait-il tant le besoin, depuis maintenant presqu'une semaine, de se réfugier dans l'ambiance festive des drogués de NoNight ?

Il se faisait pitié. Vraiment. Il en était à son troisième ou quatrième verre en 10 minutes. Et toujours la même boisson qui faisait brûler un feu dans ses entrailles. Son regard morne balayaient de temps en temps la salle, sans montrer aucun interêt pour telle ou telle personne. Invariablement, il reportait son verre à ses lèvres et avalait une longue gorgée de feu liquide. La boisson le réchauffait agréablement, mais comme chaque soir, un vide se creusait dans poitrine. Une sensation de manque tellement terrifiante, qu'il recommandait de nouveau à boire. Un cercle vicieux, dont il doutait fortement d'en sortir un jour. Erik sentait son cerveau s'embrûmer de secondes en secondes, ses yeux se fermaient à demi et il se sentait fondre. Le bruit et les couleurs lui parvînrent de moins en moins nettement. Et pour finir il tomba dans un abysse au goût d'alcool.

Un nouveau haut-le-coeur le fit tressaillir. Voici deux minutes, qu'accroupi devant la cuvette d'une toilette, Erik vidait ses entrailles. Il se sentait fiévreux, son attention ne parvenait pas à se fixer, il voyait trouble et un goût de sang lui emplissait la bouche. Bref, un topo vraiment catastrophique. Et pour la énième fois, il se pencha et vomit un peu de bile. En même temps son estomac ne contenait rien d'autre que de l'alcool, et il l'avait rendu il y a bien longtemps. Il se redressa tant bien que mal, lorsque son ventre cessa de danser la ramba. Son teint déjà habituellement pâle revêtait un masque grisâtre et maladif. Erik se dirigea en titubant vers la salle, rasant les murs, s'appuyant contre eux pour déboucher dans la salle surpeuplée. Son pas chancelant le mena vers le bar où il s'affala sur une chaise près d'un gars dont il ne distingua que la chevelure : blonde comme les blés. Incapable de se maîtriser, Erik tendit ses doigts maigres et saisit une mèche blonde. Un rire rauque fusa de sa gorge. D'une voix pâteuse et hésitante, il dit :
- Z'avez un beeeeeelleuh coulreu dites donc !